mercredi 14 janvier 2015

Allons

Voilà. Ce n'est pas encore fini. Mais déjà ça recommence. Après ces quelques jours de dense actualité, on pinaille, on cherche les poux, il faut bien remplir les colonnes.
Tout le monde y va de ses prédictions, de ses jugements sans appel, de ses accusations.

Ce n'estpas fini.
Ce n'était pas un spectacle ordinaire. Le rideau reste entr'ouvert. 

Récupération politique il y aura forcément, il faut s'y attendre, tous sont sur les starting-blocks en marchant sur des oeufs pour ne pas se disqualifier. C'est normal : le politique a un vrai rôle à jouer, cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Le plus écoeurant ce sont les tentatives de récupération commerciale : 
Je salue le bon sens exemplaire de l'INPI en l'occurrence ! Nul doute que dans d'autres pays la lutte eût été féroce et sordide. Cette position tue dans l'oeuf les initiatives écoeurantes.
Cela n'a pas empêché certains de surfer sur l'événement pour faire du profit, inutile de déplorer depuis les magasins de vente en ligne ou les startups américaines de développeurs pour android, les petits profits mesquins et publicitaires que #JeSuisCharlie a pu générer. Ou pas. Oublions-les, et retenons seulement les tonnes d'initiatives individuelles et collectives, totalement sincères, totalement gratuites, totalement bouleversées, et qui n'ont pas attendu de voir l'ampleur de l'événement pour se mobiliser, chacun à sa manière : ici une appli gratuite qui propose dès le 7 janvier de changer son propre fond d'écran sur smartwatch pour tout le mois de janvier, quitte à perdre quelques utilisateurs, là des pages Facebook pour recueillir les témoignages ou encore pour organiser des rassemblements, sans compter les contributions de tant de dessinateurs talentueux issus de pays si différents ! La liste ne peut être exhaustive et j'aimerais bien recenser toutes les initiatives réellement désintéressées.

A nous de faire des jours, des semaines, des mois qui viennent, quelque chose de différent, quelque chose d'unique, quelque chose de beau.
Je veux croire que ces Marseillaises entonnées spontanément ont un sens pour tous. Et ce n'est pas le moment de venir discutailler sur ses paroles soi-disant violentes. Les paroles de la Marseillaise ont été écrites alors que les sans-culotte devaient se battre contre toute l'Europe ralliée contre la Révolution ! Elles collent à la musique et au rythme de ce chant de rassemblement et de soulèvement ! Qu'on se souvienne pourquoi ce chant inimitable a de tels accents !!! Contextualisons ces paroles en les expliquant aux enfants ! Chantons ! C'est un chant magnifique, une hymne, et la mélodie et le rythme en sont exceptionnels, les vrais musiciens ne me contrediront pas.
Love, love, love...
Qui se souvient comme moi du succès planétaire des Beatles, dont les premières notes étaient celui de notre hymne ? "All you need is love..." Et ça débute avec La Marseillaise. A l'étranger la France est le pays de la liberté, mais c'est d'abord le pays de l'amour. Voilà ce que symbolise ce chant de guerre. C'est une guerre pour la paix. Pour la liberté. Pour la fraternité. Et l'égalité.

Les gens de Charlie étaient un peu plus âgés que moi. Et j'ai toujours eu le sentiment qu'ils osaient à ma place, avec un aplomb dont j'aurais été incapable, moi qui suis parfois téméraire. Je pense qu'ils se seraient bien moqués de nous, s'ils avaient assisté à notre émotion et à notre patriotisme exacerbés. Va comprendre, Charlie, on est tous tombés sur la tête à cause de toi.
Mais ils nous ont accompagnés si longtemps, que le deuil ne se fera pas : c'est comme lorsqu'on perd un parent, on n'en revient pas, on ne s'en remet jamais vraiment. 

Malgré les oiseaux de mauvais augure qui croassent déjà que tout cela était de la gaudriole et que très vite les dissensions vont nous déchirer plus que jamais, je prétends que rien ne sera plus comme avant. Comme quand on perd un parent, on mûrit définitivement, on se sent investi d'une mission : c'est le sens de tous les #JeSuisCharlie qui ont fleuri sous différentes formes.

Le PS n'a pas été vraiment à la hauteur et s'empresse déjà d'obturer ses failles en nous ressassant un discours définitivement dépassé : je veux croire que quelques responsables y compris parmi les frondeurs seront capables de se ressaisir et de renoncer à des préceptes devenus des automatismes et des préjugés dévastateurs. Fin de l'angélisme, pitié ! Regarder la réalité en face... Et si l'on est incapable de par sa position de voir cette réalité, eh bien place à d'autres ! La chasse aux électeurs s'arrête quand la politique a une petite chance, enfin, de retrouver sa noblesse et son rang dans la cité.

On sent déjà venir l'UMP et l'obsession sécuritaire absurde qui restreindrait les libertés des citoyens tout en faisant triompher par là-même les terroristes ! Non merci. Nous ne sommes certes pas à l'abri des exactions de quelques demeurés, mais nos services ont déjà déjoué beaucoup d'attentats. Aidons-les à analyser des données pertinentes, plutôt que d'accumuler de si nombreux suspects sur des listes si longues qu'on serait incapable de les surveiller.

Quant au FN...  L'apologie de la peine de mort, les actes anti-musulmans commis en marge du mouvement de rassemblement, les propos des membres de la dynastie, les contradictions à feindre de vouloir défiler après les procès intentés à Charlie Hebdo, l'auto-disqualification, seront difficiles à  faire oublier. J'ai rencontré plus de gens que d'habitude, ces derniers jours, qui tenaient à me faire comprendre qu'ils ne votaient pas FN. J'habite en PACA, autant dire que ça me change et m'enchante.

Et ça suffit pour me rassurer. Un peu. 
Je voudrais seulement que la gauche comprenne que ça suffit, il faut restaurer l'autorité, c'est un besoin vital pour nos jeunes aujourd'hui, quelles que soient leurs origines. On parle beaucoup des circonstances économiques pour justifier ceci et cela. Foutaises. Certaines familles nécessiteuses ont des standards moraux bien plus élevés que la moyenne. Ce qui est vital, aussi vital que le pain et l'eau, c'est l'autorité et la transmission des valeurs, qui passe par la transmission des connaissances. Or il ne peut y avoir transmission d'une génération à l'autre sans le respect de cette autorité. Cela doit se traduire par le soutien indéfectible de tous ceux qui ont la mission de l'éducation et de l'ordre public.

J'allais les oublier. Les forces de l'ordre ! Je suis d'une génération où par tradition on les méprisait, les affublant de toutes les tares et défauts. Ces dernières années j'avais commencé à trouver cette généralisation sectaire et stupide, puis qu'il ne devait pas faire bon exercer ce métier, même si comme le disaient mes amis autrefois "ils ont choisi".
D'abord ils n'ont pas toujours eu le choix. Ils ont fait de leur mieux et si leur mieux c'était d'entrer dans la police, qu'ils aient préféré cela plutôt que pointer au chômage est totalement honorable. Ils nous sont indispensables.
Ensuite c'est un métier difficile déjà au quotidien. Ils en voient de toutes les couleurs, pour un oui pour un non. Je n'aurais jamais cru qu'un jour je serais fière d'eux, mais je peux dire que je le suis. Surtout après quelques jours à New-York sur fond de tensions avec le NYPD. Je suis heureuse qu'ils aient été applaudis. Et je me dis que nos Charlie les auraient peut-être applaudis aussi tout en se moquant d'eux-mêmes. 

C'est ça le deuil, le vrai. C'est se demander à tout moment ce qu'ils auraient fait, comment ils l'auraient fait. Et se résoudre à accepter de ne jamais le savoir.

Alors, on est un peu comme des enfants, quels que soient nos âges, à devoir reprendre le flambeau.

Allons enfants !


Vive Charlie ! Vive la France !

POST SCRIPTUM : j'apprends aujourd'hui seulement l'existence du groupe "Allons enfants" sous l'égide de Rama Yade, je suis confuse et couverte de honte, je corrige mon titre bien entendu.

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